En mon propre nom, j’ai l’honneur de demander l’annulation de l'arrêt de la Cour d’Appel Administrative de Nancy n° 11NC01176 du 9 janvier 2012.
Rappel des faits
Le 16 janvier 2010, j’étais contraint de déposer plainte auprès de la brigade de gendarmerie de La Wantzenau dans le cadre d’un contexte familial très conflictuel.
En effet, le 15 janvier 2010, j’étais victime de coups de la part de Mme S. M-H.
Le 28 mars 2010, en soirée, j’étais victime d’un malaise peu de temps après avoir mangé des fruits.
La nuit du 28 au 29 mars, le docteur B. de SOS Médecins intervenait à mon domicile et préconisait une hospitalisation immédiate.
Le 29 mars 2010, à sa sortie de l’hôpital, je me présentais à la brigade de la gendarmerie de La Wantzenau pour déposer plainte pour suspicion d’empoisonnement dont je modérais mes propos en parlant d’intimidation.
J’ai déposé cette plainte après consultation de mon avocat et suite aux conseils du docteur Bel-Houari et surtout du fait du contexte familial extrêmement conflictuel.
Par lettre du 14 mai 2010, Monsieur le Procureur de la République m’informait du classement sans suite de la plainte du 16 janvier 2010 dans les termes suivants :
« Je vous informe que j’ai décidé de classer sans suite votre plainte en l’état, car un rappel à la loi a été adressé à l’auteur et il a été suffisant pour faire cesser le trouble. »
Ce classement sans suite permet de constater que les faits ont bien été commis le 16 janvier 2010 par Mme S. M-H mais que le Procureur de la République a estimé qu’un rappel à la loi était suffisant pour faire cesser le trouble.
Fin mai 2010, j’ai contacté la gendarmerie de La Wantzenau pour connaître les suite de la plainte du 29 mars 2010, il a été convenu d’un rendez vous le 7 juin 2010.
A mon arrivée, je me suis fait signifier ma garde à vue pour des faits de dénonciation calomnieuse, procédure initiée par le procureur M.
Cette procédure déroge aux articles 40-2 du Code de Procédure Pénal, 226-10 et 226-11 du Code Pénal sachant qu’il n’y a jamais eu de classement sans suite de la part du Parquet de Strasbourg avant cette date et à fortiori, je n’en ai jamais pu être avisé.
Dans cette procédure, le procureur M. a ordonné une expertise psychiatrique. Celle-ci a été faite par le Docteur M.
Suite à la réception de ce rapport, le Docteur W. a été requis dans le cadre du maintien de la garde à vue.
A 16h15, le Docteur W. rédigeait un certificat médical dans les termes suivants :
« Je soussigné, certifie avoir examiné ce jour à 16h15, Monsieur ANTZ Christophe né le 12 décembre 1970.
Le patient prétend avoir été empoisonné par sa belle mère.
Il présente une personnalité psychorigide avec une tendance à la persécution.
Il ne remet pas en question ses faits et gestes en particulier agressif à l’égard de sa belle-mère (aurait porté un coup de poing à un membre de sa belle-famille…).
Le comportement de ce patient pourrait présenter une dangerosité à l’égard des personnes remettant en question son autorité, un placement en milieu hospitalier, selon l’article 232-13-1 du Code de la Santé Publique, me semble souhaitable.
Il n’existe pas de lien de parenté entre le patient et moi-même. »
Ce dossier était transmis aux services de la Préfecture du Bas-Rhin.
Toujours, le 7 juin 2010, le Préfet du Bas-Rhin prenait un arrêté ordonnant mon hospitalisation d’office au centre hospitalier de Brumath en motivation sa décision de la façon suivante :
Considérant qu’il résulte du contenu du certificat médical du Docteur W., joint au présent arrêté et dont je m’approprie les termes, que les troubles mentaux présentés par l’intéressé nécessitent des soins ;, et compromettent la sûreté des personnes ou portes atteintes, de façon grave, à l’ordre public et rendent nécessaires son hospitalisation. »
J’ai donc été interné dans l’Etablissement Public de Santé d’Alsace du Nord de Brumath à compter du 7 juin 2010.
Dès le 11 juin 2010, le Docteur P. de l’EPSAN délivrait un certifiact de demande de levée d’hospitalisation d’office.
Néanmoins, cette hospitalisation va être maintenue jusqu’à ce que deux experts, à savoir le Docteur Z. (rapport médical du 29 juin 2010) et le Docteur M. (rapport d’expertise psychiatrique du 8 juillet 2010) prescrivent la levée de la mesure d’hospitalisation d’office.
Par arrêté, en date du 9 juillet 2010, Monsieur le Préfet du Bas-Rhin décidait de mettre fin à la mesure d’hospitalisation d’office me concernant de sorte que je puisse enfin sortir de l’hôpital après 33 jours d’internement.
Par requête du 6 juillet 2010, je saisissais le Tribunal Administratif de Strasbourg et sollicitais l’annulation de l’arrêté du 7 juin 2010 portant hospitalisation d’office.
Par jugement du 26 mai 2011, le Tribunal Administratif de Strasbourg rejetait cette requête en considérant que la décision litigieuse avait été prise sur la base du certificat médical émis par le Docteur W., lequel énoncerait de manière explicite :
« les circonstances de fait qui fondent son avis et son appréciation de la dangerosité de l’intéressé pour la sureté des personnes. »
Or, en juxtaposant le certificat de ce docteur et le paragraphe de l’arrêté du 7 juin 2010, on ne peut que constater la divergence des propos dont le Préfet du Bas-Rhin dit s’être approprié.
Les premiers juges ont donc entériné cette hospitalisation d’office décidé par une autorité administrative sans la moindre procédure contradictoire et en ayant, sûrement de façon involontaire, pris des propos de l’expertise du Docteur M. (sous le coup de l’article L.3213-1 du Code de la Santé Publique) au lieu de ceux exprimés sur le certificat médical du Docteur W.
Par requête du 18 juillet 2011, je saisissais la Cour d’Appel Administrative de Nancy et je sollicitais à nouveau l’annulation du jugement du Tribunal Administratif de Strasbourg n°1003246 du 26 mai 2011.
Malgré un argumentaire explicite sur l’erreur manifeste du Préfet de la République dans son appropriation de propos et malgré la dépose d’un mémoire en réplique du 6 octobre 2011, la Cour d’Appel Administrative a rejeté ma requête en date du 9 janvier 2012.
DISCUSSION
Le Conseil d’Etat n’aura aucun difficulté à annuler l’arrêt de la Cour d’Appel Administrative de Nancy du 26 mai compte tenu la violation grave de mes droits pour la période du 7 juin au 9 juillet 2010.
Sur la recevabilité
Le délai
La notification de la décision de la Cour d’Appel ayant été rendue le 9 janvier 2012, le délai initial étant de 2 mois, il est prorogé à la décision de ma demande d’aide juridictionnelle et le cas échéant à la décision du Président de la section du contentieux du Conseil d’Etat.
La notification de la décision du bureau d’aide juridictionnelle n° 1200634 datée du 4 avril 2012 et la décision du Président de la section du Conseil d’Etat datée du 1er juin 2012, le pourvoi devant le tribunal de céans reste recevable.
La présentation par le ministère d’un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation
J’ai contacté plusieurs avocats près le Conseil d’Etat, peu m’ont répondu favorablement, à cause d’une charge trop importante de travail.
Seul Me T. m’a adressé un devis et des modalités de paiement mais malheureusement, je n’ai pas les moyens de m’en acquitter.
L’intérêt supérieur de la Justice
J’invoque à ce titre, l’article 6 al.1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, en opposant la garantie de mon droit au simple fait que je n’ai pas les moyens financiers pour me payer les services d’un avocat près de la Conseil Etat.
Mais je souhaiterais davantage que mon dossier personnel puisse être examiné pour que pareilles mésaventures ne puissent plus arriver à d’autres personnes.
Sur la forme
Rapport circonstancié du Docteur W.
L’article 5 al.1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme dispose :
« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
(…)
e. s’il s’agit de la détention régulière (…) d’un aliéné (…). »
Au vu du certificat médical du Docteur W., aucun élément sérieux ne peut permettre de considérer que je sois considérer comme un aliéné.
Ce certificat déroge à tous les principes de droit en matière de rapport circonstancié. Il suffit de lire ce rapport pour constater les carences en la matière. Il n’y figure aucun détail sur les circonstances réelles de la garde à vue, sur mon état de santé notamment des constatations chiffrées, ….
Réquisition du Docteur W.
Les services de la Préfecture du Bas-Rhin ont commis une faute en ne vérifiant pas la légitimité du Docteur Wasser à rédiger ce certificat. Ils auraient ainsi pu remarquer que ce médecin avait été réquisitionné par le procureur à une fin de maintien de garde à vue et qu’il n’y a pas eu de deuxième réquisition pour l’établissement d’un certificat médical d’hospitalisation d’office.
Appropriation des propos
C’est de loin la faute la plus contestable qu’a commis le Préfet du Bas-Rhin, il suffit d’en reprendre les termes :
« Considérant qu’il en résulte du contenu du certificat médical du Docteur W., joint au présent arrêté et dont je m’approprie les termes, que les troubles mentaux présentés par l’intéressé nécessitent des soins, et compromettent la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l’ordre public et rendent nécessaire son hospitalisation d’office. »
Ces termes ne correspondent pas du tout aux écrits du Docteur W. qui a utilisé très souvent le conditionnel et a jugé l’hospitalisation souhaitable et non nécessaire.
La présence du rapport du Docteur M.
Le rapport psychiatrique du Docteur M. a eu une importance primordiale dans la décision du Préfet et on peut le remarquer dans la rédaction même de l’arrêté portant hospitalisation d’office. En effet, le Préfet y a consacré un paragraphe qu’il a pris le soin de mettre en avant par le caractère « gras » de l’écriture.
Or le Docteur M. officiant à l’EPSAN de Brumath, établissement qui m’a accueilli le 7 juin 2010, officiait dans cet établissement et donc ne pouvait être le rédacteur du certificat médical originel pour l’hospitalisation d’office.
En agissant de la sorte, le Préfet a incidemment violé l’article L.3213-1 du Code de la Santé Publique.
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Sur le fond
La notion de danger
Force est de constater que le Préfet a fait une erreur d’appréciation du danger en ne se basant exclusivement sur le rapport d’expertise psychiatrique du Docteur M. Or en matière judiciaire, l’expertise ne peut se substituer à l’absence de faits.
En l’occurrence, le Préfet aurait ainsi pu constater que les poursuites à mon encontre relevaient de dénonciation calomnieuse et non de faits de violences ou de troubles à l’ordre public.
Le caractère circonstancié du certificat médical du Docteur W.
Même si l’on suppose que ce certificat puisse être considéré comme valable, nonoobstant le fait que ce médecin n’ait pas été réquisitionné à cet effet, il suffit de lire les propos rédigés pour comprendre qu’il déroge à tous les principes de bon sens.
Il ne revient sur les motifs de la garde à vue, sur mon état de santé physique, sur mon comportement et encore moins sur mes intentions.
La nécessité de l’hospitalisation d’office
Le docteur W. utilise le conditionnel en relatant les faits que j’aurais commis et de surcroit il estime l’hospitalisation souhaitable et non nécessaire.
CONCLUSIONS
Dans ce dossier qui de prime abord paraît très complexe, l’erreur grossière commise par le Préfet du Bas-Rhin est pourtant plus qu’évidente. A sa décharge, je peux comprendre que le Préfet ait pu être mis dans une position délicate du fait des nombreuses erreurs faites en amont par le Procureur de la République
Par contre cela n’enlève en rien la responsabilité du Préfet pour ses manquements en matière de procédure d’hospitalisation d’office qui ont entraînés une privation de mes libertés.
PAR CES MOTIFS
PLAISE A LA COUR
CASSER ET ANNULER l’arrêt de la Cour d’Appel Administrative de Nancy n° 11NC01176 du 9 janvier 2012 avec toutes ces conséquences de droits
CONDAMNER L’Etat à me payer la somme de 3000 euros au titre de l’article L.761-1 du Code de Justice Administrative