Je fais suite à la requête d’audition d’enfant datée du 24 janvier 2014 fondée sur l’article 388-1 du Code Civil.
Si je ne peux remettre en question le droit de M. à être entendue, je souhaiterais qu’une appréciation du discernement puisse avoir lieu avant l’audition.
Discernement de l’enfant
Dans une décision du Défenseur des Droits (N° MDE-2012-115) datée du 15 juin 2012, celui-ci rappelle :
« Le magistrat doit évaluer le discernement du mineur avant de l’entendre. Pour cela, il doit tenir compte de l’âge, de la maturité, du degré de compréhension et du contexte dans lequel
évolue l’enfant. C’est donc une appréciation subjective et in concreto qu’est amené à effectuer le juge évaluant la capacité de discernement de l’enfant. Ainsi le magistrat a la possibilité soit
d’entendre tout d’abord le mineur, soit de mandater une personne pour évaluer son discernement. »
Si je ne remets pas en question la jurisprudence qui estime que l’âge de 12-13 ans correspond à celui du discernement de l’enfant, je ne remets pas davantage en question la maturité de M.
Par contre, les deux paramètres évoqués par le Défenseur des Droits devraient légitimement soulever l’interrogation.
Le contexte dans lequel évolue l’enfant
Il ne serait pas exagéré de prétendre que les circonstances dans lesquelles évolue M. sont excessivement complexes.
Il suffit de se référer à l’année 2013 pour s’en convaincre :
4 jugements Juge aux affaires familiales et Juge des Enfants confondus, une décision de Cour d’Appel, 3 Ordonnance de Droit du Juge des Enfants, une demi douzaine d’auditions devant magistrats et
gendarmes
Un conflit parental qui atteint son paroxysme
La mise en cause du travail de l’A. dont la Justice déterminera si elle a failli ou non à sa mission
Un changement d’éducateur dans la mesure d’assistance éducative
Une rupture totale du lien avec le foyer paternel depuis mai 2013
Une absence de coparentalité, motif entres autres, de la décision de main levée du placement de M. chez sa mère et de la mesure d’assistance éducative
L’absence de suivi psychologique depuis plusieurs mois si je me réfère aux propos de sa thérapeute Mme A.
Le degré de compréhension
Il n’est pas de ma volonté de remettre en question les capacités intellectuelles de M. mais force est de constater que M. n’avait aucune aide pour lui expliquer les différentes décisions prises
par les magistrats et notamment quand celles-ci allaient à l’encontre de ce qu’elle souhaitait.
Il n’est donc pas à exclure que M. ne dispose pas de toutes les informations et les explications nécessaires à une bonne compréhension de la situation.
Je me réfère également au rapport rendu par l’A. en juin 2013 qui témoigne de la situation délicate où se trouvait M. et qui expliquerait une radicalisation de son discours.
Les incidents du mois de mai 2013 ont été les déclencheurs de nombres décisions prises par les magistrats et les propos de M. à ce sujet sont des plus déconcertants. Au sortir d’une visite à mon
domicile le 12 mai 2013, M. était très enthousiaste à l’idée de partir en vacances avec nous et voilà comment quelques jours plus tard elle décrivait les faits.
* Rencontre du 15 mai 2013 entre l’A. et M.*
« Elle nous dit avoir fait une bêtise en acceptant de partir avec son père en vacances …
De retour à la maison, Mr et Mme E. lui ont remis les pieds sur Terre en disant qu’une semaine avec son père c’était bien mais deux c’était trop…
M. nous a dit qu’elle ne savait plus où elle en était… »
Comment peut-elle avoir un degré de compréhension nécessaire sachant que sa mère bénéfice d’une impunité, pour le moment, face à des actes délictueux ?
Comment peut-elle comprendre la situation alors que la première réponse du Juge des Enfants a été de suspendre les droits de visite ?
Autant de questions qui restent sans réponse si l’on ne peut recueillir la parole de l’enfant avec les moyens nécessaires pour apprécier s’il y a une altération de son discernement.
Demande d’audition
Faisant référence à un compte rendu de la réunion de la Commission Famille du barreau de Paris du 25 juin 2013, je me permets de rapporter les propos de Laurence TARTOUR qui signalait que, dans
son arrêt rendu le 12 juin 2013, la Cour de Cassation a estimé que le conflit parental était tel qu’il faisait obstacle à ce que l’enfant puisse être capable de discernement (Cass. Civ. 1, 12
juin 2013, n° 12-13.402, F-D) ; la Haute juridiction a approuvé la cour d’appel ayant retenu, que la capacité de discernement de l’enfant se trouvait assez facilement altérée par son
environnement comme par des évènements traumatiques et, d’une part que S. et L., la première , compte tenu de son âge et de sa maturité, davantage que la seconde, étaient manifestement prises
dans un conflit de loyauté envers chacun de leurs parents, que la multiplication des procédures ne faisait qu’aviver,… »
Le contexte qui nous intéresse a quand même de fortes similitudes avec le dossier relaté par la Cour de Cassation.
Dans ce même document, ce collège d’avocat aborde le rôle de l’avocat de l’enfant.
Il rappelle que l’avocat doit faire partie de l’antenne des mineurs et que si l’enfant a le libre choix de son avocat, le magistrat peut estimer que l’avocat qui se présente pour assister un
enfant peut être récusé s’il a des liens avec l’un des parents.
Dans le contexte assez particulier, il serait peut être prudent de procéder à cette récusation si les conditions d’impartialité er d’intégrité ne sont pas respectées ne serait ce que par
l’interprétation que Marine pourrait en faire.
Je déplore le fait de ne pas connaître les circonstances de mise en contact de M. et son avocat. Je vous demanderais de vérifier si l’avocat de M. fait partie de l’antenne des mineurs.
CONCLUSION
Je reprendrai deux recommandations du Défenseur des Droits qui consiste à rappeler :
Que le caractère manifestement contraire à l’intérêt de l’enfant de l’audition peut fonder le refus de l’audition conformément à l’article 373-2-6 du Code Civil.
Que l’évaluation du discernement soit réalisée in concreto, en fonction de l’âge ; des aptitudes réelles de l’enfant et du contexte dans lequel il évolue. L’évaluation implique ainsi
nécessairement un premier contact avec l’enfant, soit dans le cadre d’une enquête sociale, soit par une expertise psychologique, soit par une audition préalable.
Source:
http://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/upload/decisions/Mde-2012-115.pdf
http://www.presentation.lexbase.fr/sites/default/files/actualites/fichiers/l_audition_de_l_enfant.pdf